Description

« Il y avait des jouets, des parkings, des plaines de goudrons sur lesquelles courir. Je suivais mon cousin dans les chantiers alentour pour le regarder lancer des pétards dans les chenilles des engins. Il y avait des télés souvent allumées, qui diffusaient des émissions automobiles ou sportives. Cet environnement était habité d’images et d’icônes qui se devaient d’être de la distraction voire un jeu pour les enfants. Il y avait des crayons et des feuilles sur lesquels on dessinait des scènes, des exploits, des maisons et des victoires. Souvent un ciel bleu, parfois des scènes de film que l’on avait vues avec du sang et des héros. » 

Ma maison brûle de Julien Fournival explore d’abord une histoire personnelle, celle d’une enfance et d’une adolescence emplie de violence sourde, celle des hommes. En creux d’une narration chronologique se dessinent les portraits des hommes qui ont entouré le narrateur dans sa construction. Si la maison brûle, c’est « qu’elle est bâtie par et pour le masculin » et que cette notion, dans les mots de Julien Fournival, devient alors obsolète.

En plus des mots qui racontent, les images témoignent. Les photographies de famille de Julien Fournival jonchent le récit pour l’encrer dans une réalité documentaire. À l’image anodine, aux images qui appartiennent à tout le monde et à personne à la fois se mêlent les mots. Faisant partie intégrante de la pratique artistique de l’auteur, le collage s’impose comme un moyen de réactualiser l’image dans une mémoire presque oubliée.

Propriétés

  • Format 12x20cm
  • 100 pages, reliure cousue, couverture souple
  • Photographies et textes par Julien Fournival
  • Graphisme par Cédric Elmerich

Variante

Livre
Livre + Linge

Quantité

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Actuellement en master à la HEAD - Genève, Julien articule un travail entre objets fabriqués, sculptures, installations et peintures se mêlant à des narrations écrites, souvent, autofictionnelles. À travers ces différentes formes Julien aborde plusieurs notions, telles que la construction du genre masculin en milieu rural, la création d’espaces de narrations ainsi que l’articulation entre le texte et l’image ou le texte et le volume. 

Interview de l'artiste

Eliot Ruffel : Je sais que l’écriture était déjà présente dans ta pratique depuis un long moment mais je voulais savoir comment est venu l’envie d'écrire une forme longue comme Ma maison brûle

Julien Fournival : Je crois que cette envie d’une forme plus longue est justement liée au fait que je ne m’y étais pas encore confronté. Cela fait maintenant 10 ans que j’ai une pratique de l’écriture et qu’elle a longtemps été anecdotique à mes yeux. Mes textes ont très longtemps existé comme des gribouillis au coin d’une feuille. Et puis après mon entrée aux Beaux-Arts de Nancy, et le fait que je commence vraiment à intégrer mon écriture à mes formes plastiques, ça a fini par donner du corps et ça m’a aussi apporté plus de confiance quant à cet aspect de mon travail. Je pense surtout qu’il y avait une forme d’urgence à raconter certaines choses et que cela ne pouvait pas juste exister de manière disparate ou succincte. C’était important de penser un ensemble et une forme plus longue que ce que j’avais l’habitude de faire jusque-là pour parler des sujets que j’aborde dans  « Ma maison brûle » comme la construction de genre masculin en milieu rural, la déconstruction ou la violence… 

 

E.R : Dans Ma Maison brûle comme dans ta pratique artistique, tu convoques une source autobiographique. Comment écrit-on quand on écrit à partir de soi ? 

J.F : C’est une question dont la réponse est assez complexe. J’essaie le plus possible de me fier à mes souvenirs et aux environnements qui leur sont associés : leurs odeurs, leurs couleurs, leurs paysages et mes sensations. J’essaie de faire apparaître cette source autobiographique de manière assez descriptive et précise comme quelque chose que j’aurai aussi pu inventer de toutes pièces. C’est assez dur d’écrire ou de produire des choses qui ne sont qu’autobiographiques car j’ai le sentiment de ne pas pouvoir mentir ou agencer les choses trop éloignées de la réalité. Il y a déjà une certaine crainte ou angoisse à parler de sa famille, de la violence ou de l’inceste qui me force à rythmer et à construire des imaginaires autour de ce que je raconte pour ne pas me sentir trop vulnérable. 

 

E.R : Peux-tu me parler de ta pratique artistique, car l’écriture en fait partie intégrante mais comment penses-tu les agencements narratifs entre tes sculptures/installations et textes ? 

J.F : C’est justement une des questions principales qui traversent en ce moment mon travail. Je suis assez attaché à l’objet livre ou fanzine, au fait qu’on puisse le prêter facilement, le faire circuler, le partager etc ... Ce qui est rarement le cas avec une œuvre plastique. Une certitude pour mon travail, c’est que si le texte est montré de manière sculpturale ou picturale dans une installation ou une peinture, il doit être relativement court ou du moins aéré. Dans ce contexte, je vois le texte comme un indice, une clé de lecture ou simplement un élément graphique à part entière. Récemment, je me suis aussi prêté à l’exercice de la lecture dans l’espace où mes dernières productions plastiques étaient montrées. Je pense que c’est quelque chose que j’ai envie de développer, de penser le texte comme simplement oral et éphémère, de pouvoir aussi l’associer à de la performance qui pourrait activer certaines pièces. Je pense aussi que je ne veux abandonner aucun système qui pourrait faire exister le texte dans ma pratique artistique. Je trouve que ce sont des terrains d’expérimentation hyper intéressants, mais surtout qui peuvent devenir très vite collectifs. Ce qui est très important dans une pratique comme l’écriture qui est souvent assez solitaire. 

 

E.R : Pour rentrer un peu plus dans ta cuisine créative, comment se construisent tes pièces (de l’idée à la réalisation finale) ? 

J.F : Toute ma production plastique a commencé et commence par l’écriture, soit par une phrase, par un poème, par un texte ou même un mot. De cet élément texte, je crée des images, des environnements ou des objets que je fais exister suffisamment clairement pour construire un espace de narration physique. Je pense rarement une seule pièce plastique à la fois. Je fonctionne beaucoup en ensemble, en faisant cohabiter des pièces qui puissent exister de manière cohérente dans l’espace où je les montre, en mettant le tout en relation avec le texte de départ. Par moments, le texte existe simplement à travers le titre que je donne, il est très anecdotique, et des fois il occupe une place beaucoup plus centrale. Beaucoup de choses fonctionnent d’abord chacune de leur côté : le texte, la sculpture, la peinture, l’objet, etc... Puis avec ce corpus je combine les éléments, les agence, construis des liens entre eux. Je vois mon travail comme amovible. Je réutilise beaucoup mes matériaux. Ce qui fait que beaucoup de mes productions n’existent plus car je les ai déconstruites pour pouvoir en reconstruire d’autres, et ainsi de suite. 

 

E.R : En plus du livre tu as pu penser une forme physique (Un bout de serviette pour seule maison), est-ce qu’à l’avenir tu aurais envie d’expérimenter un nouveau médium resté jusqu’à là inexploré ? 

J.F : La céramique est un matériau avec lequel je travaille beaucoup mais pour autant je n’ai encore jamais fait exister du texte dessus. Je crois que c’est une piste que j’ai envie d’explorer. Gravé, peint ou émaillé, il y a plusieurs possibilités avec ce matériau qui laisse beaucoup de liberté, ce qui est hyper excitant. Il y aussi le verre, la résine, le ciment, la pâte à sel, plein de matières qui peuvent être mouvantes et sur lesquelles on peut faire exister le texte de manière pérenne ou non. 

 

E.R : On a pu voir dans ta dernière installation du texte et on espère le voir sous toutes ses formes dans ta pratique mais, continues-tu à écrire des formes littéraires ? 

J.F : En parallèle de ces expérimentations autour du texte dans l’espace présent en court extrait, j’écris aussi quelque chose que je souhaiterais consistant et tout aussi abouti que « Ma maison brûle ». Je nourris des envies de fictions, d’autofiction ou du moins d’une forme littéraire qui puisse exister sous la forme d’un objet imprimé. Le recueil de poésie ou la nouvelle sont des terrains vers lesquels j’ai également envie d’aller. En réalité, j’ai beaucoup d’envie vis-à-vis de l’écriture. Je me laisse le temps de chercher, de me tromper et de trouver de multiple manières de raconter les histoires qui me tiennent à cœur et d’aborder des thèmes qui traversent aussi bien ma pratique plastique que ma pratique d’écriture.

Serif

Medium Sans Serif est une maison d'édition basée entre Paris et Genève. Elle est née de la volonté de créer un espace éditorial en laissant carte blanche aux artistes, graphistes et auteur.ice.s avec qui nous collaborons.

La collection "Serif" propose aujourd'hui des projets entre photographie et littérature, avec des approches aussi bien narratives que plastiques. En gravitant autour des thématiques de l’intime, de la famille, du passage à l’âge adulte ou encore des rapports filiaux, les artistes agencent littérature contemporaine et production d’images, qu’elles soient d’archive ou produites en lien avec le récit. La mise en forme de ces éléments menée en étroite collaboration avec un.e graphiste renforce les volontés esthétiques de l’artiste et réaffirme le caractère singulier de chaque projet.

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